Un étonnant tonnelet de contrebandier donné au musée
Mme Maryse CHATELAIN vient de remettre au musée un singulier tonnelet dont les petites dimensions ne permettent pas de se rendre compte de sa difficulté d’exécution. En effet, il n’est long que de 17,5 cm, d’un diamètre de 10 cm au bouge (la partie bombée centrale) et de 7,5 cm aux cercles des fonds. Apparemment ce tonnelet n’est pas un récipient que l’on peut remplir, car il ne comporte pas de fonds.
C’est une sorte de cylindre, de gros rond de serviette, dont l’intérieur, au centre, est bombé et les extrémités évasées. Et pourtant, il s’agit bien d’un contenant car il est composé de 10 douelles (les planchettes) convexes (à l’extérieur) et concaves (à l’intérieur), soigneusement taillées en biseau selon un angle précis sur toute leur longueur, pour former un cercle puis assemblées par une sorte d’encoche en V à leur extrémité. Le tout est cerclé pour que les douelles ne se disjoignent pas.
Le compagnon tonnelier-doleur du Devoir Eric FOURTHON, Bordelais Noble Coeur, nous a expliqué la construction de ce fût, qu’il a lui-même réalisé comme travail de réception.
« Il s'agit d'un double fût. Deux fûts, un concave et l'autre convexe, sont liés par leurs têtes afin de former un espace creux entre eux. Il existe différentes méthodes pour le réaliser :
- Assemblage de deux fûts distincts assemblés par rognage ;
- Assemblage de douelles individuelles par le peigne (haut de la douelle), puis jointées. L'assemblage est ensuite monté en fût. Si la technique est maîtrisée, il est très difficile de voir l'endroit où se joigne les douelles concaves et convexes. Il s'agit là de la méthode utilisée pour notre petit tonnelet. »
Voici le schéma des coupes et assemblages des douelles.
Le tonnelet du musée est percé au centre et à l’extrémité d’une douelle : on peut donc remplir le fût par un orifice et le vider par un autre. On appelle cet objet un « tonnelet trompeur » ou « de contrebandier ».
Il s’agit d’un tour de force, une sorte de chef-d’œuvre que d’habiles ouvriers ou compagnons tonneliers ont parfois réalisé. On en connaît un autre au musée du Compagnonnage, confectionné par le compagnon Victor PATRICE, Angoumois l’Ami des Arts. Il en existe un autre au musée du Vieux Chinon (Carroi des Arts), un au musée d’Annecy (Haute-Savoie) et quelques autres dans des collections privées.
Celui que vient de remettre au musée Mme CHATELAIN provient de la famille de son mari. Il était issu d’une famille de charrons de Souvigny-en-Sologne (Loir-et-Cher), dont l’un des membres, au XIXe siècle, a peut-être fait fabriquer cet objet de curiosité par un tonnelier de sa commune, ou se l’est fait offrir.
Merci à Mme Maryse CHATELAIN et au compagnon Eric FOURTHON pour ce don et ces informations techniques.
Cet objet est visible dans la section « Tonneliers-doleurs » de la grande salle du musée.