XVIIIe siècle
Au XVIIIe siècle, le Compagnonnage s’étend à d’autres métiers et il est en conflit avec les maîtres des corporations. L’implantation géographique des compagnonnages se précise dans les villes situées sur la Loire, dans le Maine, à Nantes, sur la côte atlantique, la Garonne, le Languedoc, la Provence, la vallée du Rhône, en Bourgogne, en Champagne et à Paris. Aux compagnonnages des métiers cités ci-dessus s’ajoutent, grâce aux constats des archives judiciaires, ceux des tanneurs-corroyeurs, des blanchers-chamoiseurs, des chaudronniers, des vitriers, des bourreliers, des couvreurs, des tondeurs de drap, des teinturiers, des cordiers, des taillandiers-forgerons, des couvreurs, des toiliers et des plâtriers.
Au cours de la première moitié du XVIIIe siècle, émerge un second compagnonnage de tailleurs de pierre : celui des Étrangers, placé sous la bannière du roi Salomon. Toutes ces associations offrent des secours à leurs membres, permettent leur placement, les initient selon des rites de réception secrets et s’imposent des règlements. Les Gaveaux (ou Gavots), les Étrangers, les Droguins mais aussi les ouvriers réfractaires au compagnonnage (dits espontons, renards, margajats…) sont constamment en butte à l’hostilité des autres sociétés. Des rixes souvent violentes les opposent. D’autres conflits éclatent entre sociétés du Devoir pour des questions de préséance et d’usages jugés trop semblables.
Les compagnonnages cherchent à obtenir le monopole de l’embauche dans les villes où ils sont implantés, sans passer par l’intermédiaire des maîtres. Ils négocient collectivement le montant des salaires et en cas de refus des employeurs, ils n’hésitent pas à mettre leurs boutiques et leurs ateliers « en interdit ». Aucun compagnon n’est alors autorisé à travailler chez ces maîtres, qui ne peuvent embaucher que des ouvriers moins qualifiés. Parfois même, ces derniers sont chassés. En 1768-1769, la ville entière de Dijon fut mise en interdit par les compagnons menuisiers suite à la diminution du vin servi à leurs repas.
Ces rixes et ces mouvements sociaux sont très nombreux au XVIIIe siècle. Les compagnonnages apparaissent contre des associations analogues aux syndicats ouvriers. De multiples décisions de police les interdisent et défendent aux aubergistes de se dire « Père » et « Mère » des compagnons. Mais, malgré la condamnation de leurs débordements, les compagnons bénéficient d’une relative tolérance de la part des autorités et des maîtres car ils constituent une main d’œuvre qualifiée et indispensable, surtout sur les grands chantiers de construction du XVIIIe siècle.
La Révolution ne leur est pas favorable. La loi Le Chapelier (1791) interdit toute forme d’association ouvrière ou patronale et les compagnonnages sont une nouvelle fois prohibés. Ils traversent pourtant les troubles révolutionnaires sans se dissoudre, mais leur organisation en sort transformée.