En bonne santé, les Compagnons d'autrefois ?
On aurait tort d’opposer l’état sanitaire des compagnons des métiers artisanaux à celui des ouvriers d’usines. Les premiers, censés travailler davantage au grand air, sont supposés forts et en bonne santé, tandis que les seconds, enfermés dans des ateliers malsains, sont vus comme des travailleurs de faible constitution.
En réalité, l’état de santé des uns et des autres au XIXe et début XXe siècles n’était pas des meilleurs. En témoignent les 2800 notices des compagnons charrons du Devoir, sur lesquelles un travail de complément est actuellement mené avec René LAMBERT. Ces notices s’enrichissent ainsi régulièrement d’éléments puisés dans les fiches matricules militaires des intéressés, en ligne sur les sites d’archives départementales.
Lors des conseils de révision, les médecins militaires relèvent régulièrement des cas de tuberculose (ou bien la maladie se déclare pendant ou après le service), de « bronchite suspecte » et d’emphysème. D’autres conscrits sont notés comme ayant perdu une phalange à un doigt, les premières machines étant dépourvues de protection, ou souffrant d’une fracture mal consolidée à une jambe, ou encore de problèmes oculaires, voire de perte d’un œil (par éclat de bois). Nombreux sont les cas de varices, la station debout prolongée favorisant cette affection. Quelques-uns sont exemptés pour défaut de taille. D’autres sont atteints de maladies cardiaques. Fréquents également sont les compagnons ajournés à un an, voire deux, pour « faiblesse » ou « faiblesse musculaire » . On relève aussi de nombreux cas de hernie inguinale, car dès leur apprentissage, les jeunes soulèvent de trop lourdes charges.
Lorsque leur constitution physique le leur permet, ils sont versés dans les services auxiliaires sans accomplir leur service militaire. Ils mettent alors à profit cette situation pour poursuivre ou entreprendre leur tour de France.
Lors de la mobilisation de 1914, les médecins militaires seront plus rigoureux et déclareront aptes une partie de ceux qui, quelques années plus tôt, n’ont pas porté les armes. De tous ces appelés sous les drapeaux, plus ou moins bien portants, rares sont ceux qui reviendront sans blessures et mutilations, pour autant qu’ils ne soient pas morts au champ d’honneur…