Des tonnelets insolites au Président de la République
Dans la section des compagnons tonneliers-doleurs se trouvent cinq petits tonneaux qui ne manquent pas d’intriguer, malgré leurs dimensions réduites.
Ils ont été confectionnés à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle. Leurs fonds sont constitués de planchettes de bois d’essences différentes, afin de bien montrer les coupes et les assemblages rigoureux. Le chêne alterne avec un bois plus sombre (sans doute du châtaignier) et toutes les pièces sont de forme différente.
La particularité de trois de ces tonnelets réside dans leurs fonds, car aucun n’est semblable à celui qui lui est opposé. L’un est circulaire, l’autre est ovale ; l’un est en forme de cœur pointe en haut, l’autre est en forme de cœur pointe en bas ; l’un est ovale, l’autre également, mais couché.
Le tour de force ne s’arrête pas là. Le quatrième tonnelet ne comporte pas de fonds. Il est creux comme un gros rond de serviette bombé. Et pourtant, c’est bien un fût que l’on peut remplir, car le liquide se trouve alors enfermé entre deux épaisseurs de douelles, ces planchettes biseautées et cintrées qui joignent les deux extrémités d’un tonneau. C’est, en somme, un véritable outil de contrebande.
Le summum de la difficulté réside dans le dernier tonnelet. Lui aussi est constitué d’une double épaisseur de douelles mais, en plus, il comporte deux faux fonds à mi longueur, lesquels offrent un espace qui communique avec celui, caché, de la périphérie. Du grand art !
Qui est l’auteur de ces chefs-d’œuvre ? Il se nommait Victor PATRICE. Né le 19 juillet 1867 à Marancheville, sur la commune de Mainxe (Charente). Alors qu’il n’était âgé que de huit ans, il perdit son père, décédé à Angers en 1875. Sa mère et sa sœur s’établirent alors à Saint-Avertin, près de Tours.
Le jeune Victor entreprit un apprentissage de tonnelier-doleur (le doleur confectionne les douelles) et fut reçu compagnon du Devoir à Tours, en 1886, à Pâques, sous le nom d’Angoumois l’Ami des Arts. Il n’avait pas dix-neuf ans.
L'arrière grand-père du président.
Il s’établit ensuite à Saint-Léger-lès-Melle (Deux-Sèvres), au lieu-dit « Mardre ». C’est là, le 24 août 1891, qu’il épousa Marie Louise Lauquin, native de Melle.
Le couple eut trois enfants. Alexandre décèdera en bas âge. Antoinette verra le jour le 12 juin 1893. Georges, né le 1er décembre 1896, disparaîtra au combat le 4 mai 1917 à Bermericourt (Marne), durant la Grande Guerre.
Notre tonnelier et son épouse s’établiront vers 1896 à Cognac (Charente). Victor Patrice vivait encore dans les années 1930 mais il n’a pas été possible de retrouver la date précise de son décès.
Et alors, quel rapport avec le président de la République ? On y arrive…
La fille du compagnon tonnelier, Antoinette, va suivre des études et à 24 ans, elle est professeur à l’École supérieure de Pons (Charente-Maritime). Elle épouse à Cognac, le 21 novembre 1919, un certain Gustave Léopold HOLLANDE… Lui est enseignant, et il est encore mobilisé avec le grade de lieutenant au 33e Régiment d’Infanterie.
Antoinette et Gustave Hollande quitteront les Charentes pour Rouen et Neuilly (où décèdera la fille du compagnon tonnelier en 1980).
Poursuivons la généalogie descendante pour en arriver au président de la République, car, vous l’avez compris, le patronyme Hollande est bien le sien !
Antoinette et Gustave Hollande auront deux enfants, dont Georges, médecin, lequel donnera naissance à son tour à deux garçons, dont François Hollande, né à Rouen le 12 août 1954.
Et voilà comment le 7e président de la Ve République est l’arrière-petit-fils d’Angoumois l’Ami des Arts, compagnon tonnelier-doleur du Devoir, dont les œuvres sont au musée du Compagnonnage de Tours !
Merci à Eric Fourthon, compagnon tonnelier du Devoir, de nous avoir signalé l’article de Patrick Guilloton sur ce sujet, paru dans le journal Sud-Ouest du 7 janvier 2012.