CONFÉRENCE : Jacques-Louis MÉNÉTRA, un compagnon vitrier au XVIIIe siècle
Conférence du 17 mars 1998, présentée par Laurent BASTARD.
Daniel ROCHE, professeur à l’École Pratique des Hautes Études et Directeur du Centre d’Histoire moderne et contemporaine, a découvert à la fin des années 1970 un manuscrit exceptionnel intitulé «Journal de ma vie »,ainsi que d’autres écrits de la main d’un dénommé Jacques Louis MÉNÉTRA, dit Parisien le Bienvenu, Compagnon puis maître vitrier, né en 1738, mort en 1812.
Le manuscrit du « Journal » se compose de 331 feuillets, calligraphiés lisiblement mais sans aucune ponctuation. Il est grossièrement relié. Il appartient à la Bibliothèque historique de la ville de Paris, mais on ne sait pas exactement quand et comment il y est entré. Il est enregistré sous le numéro 678.
À ces mémoires s’ajoutent des poésies amoureuses, des épitaphes familiales, des acrostiches, des chansons de Compagnon, des pièces en vers sur les démêlés de MÉNÉTRA avec la jurande des vitriers parisiens, des vers politiques à la gloire du dauphin, fils de Louis XVI, de La Fayette, de Bonaparte, ainsi qu’une quinzaine de poésies érotiques. Il y a également plusieurs pièces en prose consacrées à la Révolution française, d’autres à des questions religieuses et philosophiques.
Le «Journal de ma vie » a été publié en 1982 aux Éditions Montalba, aujourd’hui disparues. Le texte, reproduit in extenso et sans correction, a été annoté et commenté par Daniel Roche. Épuisé depuis longtemps, il vient d’être réédité chez Albin Michel, avec une préface de Robert Darnton, un historien américain qui a porté un regard nouveau sur les mentalités et les comportements de l’ancienne France. Il est notamment l’auteur d’un excellent livre publié en 1985 chez Robert Laffont, intitulé « Le grand massacre des chats, attitudes et croyances dans l’ancienne France ».
Le «Journal de ma vie » a été commencé,nous dit MÉNÉTRA ,en l’année 1764 et il s’achève en 1802.
Il est douteux qu’il ait été écrit sans discontinuer durant 38 ans. Il semble qu’il ait été rédigé par étapes, entre ces deux dates, puis entièrement recopié en 1802. Le « Journal de ma vie » constitue des mémoires d’un genre particulier. Elles sont le fait d’un homme du peuple, fils d’un petit artisan vitrier de Paris, vitrier lui-même. Ce sont pratiquement les seules que l’on connaisse pour le XVIIIe siècle et pour cette catégorie sociale.
Qui plus est, ces mémoires sont celles d’un Compagnon du Devoir et comme telles, elles sont rarissimes. Alors que les souvenirs du tour de France se répandront à partir de 1840, sous la plume d’Agricol Perdiguier, ou sous celle du boulanger Arnaud, du serrurier Moreau, du cordonnier Guillaumou ou du maçon Martin Nadaud, les Mémoires de MÉNÉTRA sont les seules d’un compagnon du XVIIIe siècle.
Et dans tous les cas, ce manuscrit est une mine de renseignements pour comprendre le monde des métiers sous l’Ancien Régime, car le regard n’est plus ici celui, répressif, de la police, mais celui du compagnon lui-même.
Le texte n’est pas une plate relation autobiographique, un curriculum vitae sans relief. Tout au contraire, il fourmille de détails qui nous renseignent sur le mode de vie des Compagnons sur le tour, leurs attitudes entre eux, leurs relations avec les maîtres, la police, l’Église et la noblesse.
MÉNÉTRA sait écrire, son récit est vif, parfois maladroit mais d’un pittoresque inégalé. Vous en jugerez bientôt par vous-mêmes.
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Jacques-Louis MÉNÉTRA, un compagnon vitrier au XVIIIe siècle
Vous pouvez retrouver cette conférence dans les Fragments d'histoire du Compagnonnage n°1
Marque de passage d'un compagnon vitrier du XVIIIe siècle, relevée sur la cathédrale de Tours.