CONFÉRENCE : Concours et défis chez les compagnons d'autrefois ; la serrure de Marseille
Conférence du 28 mars 2006, présentée par Laurent BASTARD.
Comment sont définis par les dictionnaires les mots de
« concours » et de « défis » ? À propos du concours, les dictionnaires lui
donnent le sens de « lutte, concurrence, rivalité de personnes qui se disputent
un prix, une chaire, une place, etc. », tandis que le sens premier
du défi est celui d’une « provocation à un combat singulier », puis, par
extension, « toute espèce de provocation » et, enfin, dans le vocabulaire
des jeux et des sports, il devient une « provocation faite à un adversaire,
à un rival, à un champion, pour lui disputer le prix, ou tenter de ravir
un titre à une équipe rivale. »
Le sens des mots est voisin, puisqu’il appartient dans les deux cas
au vocabulaire des conflits, des oppositions entre personnes ou groupes
de personnes.Mais on relève que le défi est beaucoup plus offensif, belliqueux
et que son issue, en plus de vaincre l’adversaire, en allant
jusqu’à le tuer, relève d’abord de l’honneur ou du besoin d’affirmer sa
force ou son savoir, sans conséquence matérielle immédiate. Le
concours, au contraire, vise à conquérir une place, une situation, un
territoire, sans moyens meurtriers. L’objet du défi, c’est la personne à
vaincre, celui du concours, c’est la situation à atteindre. Enfin, le défi
relève du rapport de force entre deux individus, deux lutteurs, deux
champions, alors que le concours est perçu comme ouvert à plusieurs
individus appelés, par définition, à concourir.
Nous retrouverons ces nuances à travers les épisodes auxquels
participèrent non seulement les compagnons d’autrefois mais aussi les
ouvriers de nombreux corps de métiers. Le fait atteste un besoin permanent
de reconnaissance, de valorisation du groupe auxquels les
champions appartiennent, face à un autre groupe jugé inférieur,
imposteur ou concurrent. Le défi et le concours sont en somme des
variantes de la guerre comme moyen de règlement d’un conflit, et les
compagnons, lors de leurs rixes, ont montré qu’ils usaient aussi, et
encore plus souvent, de ce moyen-là. Si la technique du défi ou du
concours, comme nous le verrons, est plus pacifique, elle n’en atteste
pas moins une mentalité où se mêlent l’honneur exacerbé, la fierté qui
confine à l’orgueil, l’esprit de corps, l’intolérance et l’incapacité à ne
voir en l’autre qu’un ennemi. A défaut de l’éviction physique des
concurrents hors d’une ville ou d’une région, la seule humiliation du
vaincu suffisait à satisfaire les vainqueurs. Peut-être est-ce au prix de
ces luttes, ou tout au moins en raison de ces oppositions permanentes,
que les compagnonnages ont réussi à traverser les siècles.
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Concours et défis chez les compagnons d'autrefois ; la serrure de Marseille
Vous pouvez retrouver cette conférence dans les Fragments d'histoire du compagnonnage n°9
La serrure de Marseille