Histoire du musée
Le musée du Compagnonnage a ouvert ses portes en 1968, le jour de Pâques. On le doit à la persévérance de Roger Lecotté (1899-1991), conservateur à la Bibliothèque Nationale, spécialiste du folklore et du compagnonnage. A partir de 1951, il s’est efforcé de convaincre les mouvements compagnonniques de la nécessité de préserver leur patrimoine et de l’exposer au grand public.
La ville de Tours paraissait la mieux placée pour accueillir ce musée compte tenu de l’existence d’un musée antérieur. Au terme de longues discussions, l’Association ouvrière des compagnons du Devoir, la Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment, l’Union compagnonnique et l’Alliance compagnonnique tourangelle ont déposé leurs plus beaux chefs-d’œuvre, tableaux, documents, cannes et autres objets dans l’ancien dortoir de l’abbaye Saint-Julien. La Ville de Tours, dont le maire était à l’époque Jean Royer, accepta de se charger de l’entretien des locaux et du personnel. Ce musée municipal est aujourd’hui labellisé « musée de France ». Chaque année, il accueille environ 50 000 visiteurs.
L’actuel musée du Compagnonnage est en quelque sorte le prolongement d’un premier musée dénommé « musée compagnonnique », qui fut inauguré en septembre 1911. La ville de Tours comptait beaucoup de compagnons au début du XXe siècle et ils s’étaient regroupés en une « Alliance compagnonnique » pour pouvoir parler d’une seule voix aux pouvoirs publics. Cette Alliance avait mis en place des cours professionnels destinés aux apprentis, et ils étaient organisés par une « Société protectrice des apprentis ». En même temps, elle avait pris conscience qu’il fallait exposer au public les chefs-d’œuvre de ses différentes corporations. Le but était de montrer que le compagnonnage était toujours bien vivant, malgré les critiques dont il était l’objet, notamment de la part des syndicats ouvriers.
Le 24 septembre 1911, lors d’un rassemblement grandiose de compagnons venus de la France entière, la Société protectrice des apprentis était inaugurée. Son siège était situé au café-restaurant Breton, tenu par le compagnon tonnelier Legeay et ses cours étaient dispensés dans des locaux municipaux, rue Littré. Le même jour avait lieu l’inauguration du musée compagnonnique. Il était aménagé dans le musée des Beaux-Arts, alors situé place Anatole-France. Les chefs-d’œuvre et souvenirs des compagnons du Devoir et des charpentiers du Devoir de Liberté s’y côtoyaient. Ceux de l’Union compagnonnique n’y étaient pas présentés.
En 1922, le musée des Beaux-Arts de Tours est réaménagé dans l’ancien palais des archevêques, près de la cathédrale. Le musée compagnonnique y est en même temps transféré. Il y restera jusque dans les années 1950, visité surtout par les compagnons et leur famille. Après 1945, le paysage compagnonnique national se recompose et les tensions d’autrefois réapparaissent. Désormais, les diverses sociétés du Devoir et du Devoir de Liberté intègrent deux grands mouvements : l’Association ouvrière des compagnons du Devoir et la Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment. L’Union compagnonnique, pour sa part, demeure fidèle à ses origines. L’Association (fondée en 1941) et la Fédération (fondée en 1952), connaissent des relations tendues. Peu à peu, les chefs-d’œuvre et autres objets, placés en dépôt au musée compagnonnique, sont repris par les associations propriétaires qui aménagent leurs nouveaux locaux. Parallèlement à ces événements tourangeaux, en 1951, Roger Lecotté et Georges-Henri Rivière organisent à Paris, au musée national des arts et traditions populaires, une grande exposition sur le compagnonnage.
Des pièces exceptionnelles sont exposées. Lorsque, quelques mois plus tard, il faut restituer les objets aux prêteurs privés ou associatifs, aux particuliers comme aux musées, Roger Lecotté lance l’idée d’une exposition permanente, d’un musée du Compagnonnage d’ampleur nationale. Il suggère de s’appuyer sur le musée de l’Alliance compagnonnique de Tours. Il lui faudra dix-sept ans pour convaincre les élus tourangeaux autant que les trois associations compagnonniques et l’Alliance, de faire œuvre commune. Réunir l’Association ouvrière et la Fédération compagnonnique était difficile dans les années 1960. Y associer l’Union compagnonnique l’était tout autant. Pourtant, en 1967, une convention de dépôt des œuvres est signée avec la ville de Tours et est institué un comité consultatif composé d’élus et de représentants des compagnonnages.
Le musée du Compagnonnage est aménagé dans l’ancien dortoir des moines de l’abbaye bénédictine de Saint-Julien. On y accède alors par la cour et non par la rue Nationale. Le musée est inauguré à Pâques, en 1968 et il ferme ses portes le 11 novembre suivant.
Roger Lecotté et Jean Royer inaugurant le musée du Compagnonnage en 1968 Il en sera ainsi durant quelques années, avant que l’aménagement du chauffage permette une ouverture continue au public. Des travaux seront rapidement engagés pour permettre un accès par la rue Nationale, grâce à une passerelle, puis une aile est accolée au seul mur roman qui subsistait de l’hospitalité (accueil) du monastère. Elle est ornée des vitraux des trois fondateurs du Compagnonnage, œuvres du compagnon vitrier Pierre Petit, et inaugurée en 1975.
Le succès du musée est immédiat. Dès la première année, 5800 visiteurs découvrent le Compagnonnage sous ses différents aspects. Sa fréquentation culminera en 1985 pour atteindre 65000 visiteurs, avant de se stabiliser depuis une dizaine d’années aux environs de 50 000 personnes. Roger Lecotté avait accepté la charge de conservateur de ce musée alors qu’il venait de prendre sa retraite de la Bibliothèque Nationale, où il était responsable du fonds maçonnique. Travaillant désormais à titre quasi bénévole, il accueillera durant vingt-trois ans d’innombrables visiteurs, historiens, chercheurs et diverses personnalités politiques, littéraires ou artistiques. Il s’efforcera d’enrichir les collections du musée en incitant les possesseurs de souvenirs compagnonniques à les y donner ou les placer en dépôt, sauvant ainsi de l’oubli des pièces inestimables. Il décédera en 1991. Deux ans plus tard, Laurent Bastard reprendra la direction du musée en poursuivant l’enrichissement des collections. Des activités seront mises en place pour l’accueil des jeunes publics : ateliers pédagogiques, jeux et animations durant les vacances scolaires. Des démonstrations de savoir-faire par les compagnons ponctueront la vie du musée.
Des cycles de conférences seront organisés à partir du trentenaire du musée, en 1998 : à ce jour, plus de soixante communications ont été données sur l’histoire du Compagnonnage, l’histoire sociale et l’histoire des techniques. Des visites guidées thématiques sont aussi organisées. Enfin, chaque été, une exposition est présentée sous les voûtes de la salle capitulaire.