Il y a cent ans : "Après la guerre, il ne faudra pas simplement des paroles..."
Voici des extraits d’un article publié en septembre 1915 dans le numéro 2 de la Revue des Groupes fraternels des Compagnons du Devoir sous les drapeaux. On prend conscience à travers ces quelques lignes, du sentiment que leurs auteurs éprouvaient à l’endroit de leurs associations : celles de sociétés vieillissantes, manquant de dynamisme, faisant passer le décorum avant l’essentiel, dépourvues de militants, enfermées dans un corporatisme étroit. Constat sévère que seule la guerre a permis de publier, car la teneur des articles parus dans les journaux compagnonniques avant 1914 étaient plus modérés. Après 1918, les compagnons sauront s’inspirer de ces lignes pour rénover leurs institutions.
« Après la guerre le Compagnonnage du Devoir aura besoin de concentration générale, soit par l’intercompagnonnique, soit par une fédération ; que ce soit l’une ou l’autre, ou l’une et l’autre agencées, c’est toujours la prospérité du Devoir qui sera le grand but de tous. (…) Un Tour de France à réviser, un Devoir avec de grandes portes et de larges fenêtres où, sans distinction de corps d’état, un Compagnon du Devoir trouve dans n’importe quelle ville : embauche, crédit, gîte. La lutte devra se faire sans répit contre des sièges corporatifs où l’alcoolisme est encouragé par l’embauche accordée de droit à l’aspirant ou compagnon qui prend le plus d’apéritifs chez certains Pères bistros.
Il nous faudra des sièges compagnonniques modernes, confortables, basés au besoin sur les données de consommation coopérative. Pour cela il faudra encore une entente compagnonnique pécuniaire. (…) Peut-on supposer que dès qu’il sera question de réformes, les corporations du Devoir, au lieu d’y travailler courageusement, préféreront clouer à la porte du temple cette pancarte rationnelle : Fermé à tout progrès par nécessité… ?
Pour s’unir après la guerre, il ne faudra pas simplement des paroles, des cortèges bannières déployées, couleurs flottantes, ni chefs-d’œuvre portés coMme autant d’ostensoirs pontifiants sur des brancards à crépines d’or. (…)
Que de fois nos gens « jeunes reçus » se sont demandés s’ils n’étaient pas des dupes ; aux fêtes corporatives ou autres, les tables sont toujours garnies d’adhérents, à ces fêtes se succédant des lendemains à longs mois où nos sièges corporatifs sont déserts… (…)
Nos bureaux corporatifs devront être attribués à des militants. Il faudra des militants pour assurer à nos Compagnons du Devoir mutilés des emplois professionnels. Il faudra des militants pour parler au cœur des Compagnons du Devoir, qui après la guerre voudront rester paisibles. (…)
Aussi, vous ! chers Compagnons aux Armées dans vos tranchées, dans vos dépôts, discutez entre vous de ces différents problèmes. Le temps que vous avez de disponible ne sera pas du temps perdu. Nous acquerrons ainsi dans vos échanges de vues une force coMme vous obtenez dans vos épreuves journalières. La ténacité, elle nous sera nécessaire après la guerre pour lutter contre cet égoïsme que nul n’ignore et qu’il faudra abattre pour faire un Devoir libéral et solidaire dont vous serez les libérateurs. »