Tout artisan n'est pas forcément un compagnon
Commençons par des cas pratiques qui vont nous éviter de chercher vainement. Vous découvrez que l’un ou plusieurs de vos ascendants étaient des artisans. Éliminons d’abord toutes les professions où il n’y eut pas de compagnonnages organisés : si l’un de vos ancêtres était orfèvre, boucher, relieur, potier, armurier ou coiffeur (sauf après 1890, à l’Union Compagnonnique), ou exerçait un métier hors ceux que j’ai cités plus haut, ce n’est pas la peine de se demander s’il a été ou non compagnon.
Méfions nous cependant des métiers qui sont parfois des spécialités de métiers compagnonnisés ou des métiers voisins, car ils peuvent avoir été exercés par des compagnons du tour de France : ainsi un compagnon tailleur de pierre peut, au cours de sa vie, être carrier, paveur, appareilleur, sculpteur, maçon, voire architecte. Le terme de « maçon », par exemple, englobe très souvent celui de tailleur de pierre jusqu’au XIXème siècle, alors qu’il prend un sens différencié dans certaines régions, où il est synonyme de poseur de pierre au mortier (comme l’étaient les maçons de la Creuse) et qu’il tend au XXème siècle à désigner l’artisan qui travaille le béton armé. C’est d’ailleurs l’emploi de ce nouveau matériau qui entraînera la fondation vers 1950 du compagnonnage des maçons, distinct de celui des tailleurs de pierre.
Si, en revanche, vous découvrez que l’un de vos ancêtres exerçait l’un des métiers représentés dans le compagnonnage, n’en déduisez pas pour autant qu’il était compagnon. Tout ouvrier, tout artisan, n’était pas nécessairement un compagnon, loin de là. Non seulement, les compagnonnages étaient absents de plusieurs régions de France, mais, de plus, les compagnons étaient loin de constituer la majorité des ouvriers.
Dans certains métiers, dans certaines villes et jusque dans les années 1840, il était quasi obligatoire d’être compagnon pour pouvoir travailler, comme à Tours, chez les charpentiers. Ailleurs, dans les petites cités, il n’en était plus de même. Ces territoires, ces villages, appelés les « broussailles » par les compagnons, étaient laissés aux ouvriers indépendants, aux non-compagnons, et les salaires y étaient moindres.