Des associations tolérées
Il est un point important pour la recherche des sources : les compagnonnages ont été constamment interdits sous l’Ancien Régime et jusqu’au milieu du XIXème siècle, ils n’avaient pas d’existence légale. Cela pour diverses raisons : réputés turbulents, les compagnons font l’objet de poursuites judiciaires à cause de leur volonté de s’assurer le monopole des embauches dans une ville, mais aussi à cause de leur indépendance vis-à-vis des maîtres (des patrons), qu’ils veulent quitter à leur gré. Ils sont aussi poursuivis lorsqu’ils entendent fixer collectivement le montant de leur salaire et autres avantages, ou encore parce qu’ils interdisent aux ouvriers non compagnons de s’embaucher à leur guise. Souvent aussi, ce sont les rivalités entre sociétés d’un même métier mais de rites différents, ou bien encore le rejet des ouvriers indépendants, ou enfin des exigences jugées intolérables envers les maîtres, qui entraînent des rixes, des expulsions d’ouvriers hors des villes, des concours, des débauches, des mises en interdit d’ateliers, des grèves, qui portent atteinte à l’ordre public et bouleversent les rapports entre ouvriers et patrons.
Au XVIIème siècle, les compagnonnages sont également poursuivis par l’Église qui dénonce leurs pratiques « impies, sacrilèges et superstitieuses », car leurs rites de réception, quoique inspirés par la liturgie catholique, sont assimilés à des parodies des rites chrétiens.
Dans la pratique, pourtant, les compagnonnages sont tolérés, à la fois parce que les autorités de police, la justice, l’Église et les maîtres sont incapables de les empêcher de se constituer, et d’autre part parce qu’en dépit de leurs excès, les compagnonnages fournissent de bons ouvriers et ont pour mission d’éduquer des centaines de jeunes gens qui pourraient s’avérer plus dangereux s’ils n’étaient pas encadrés. Les autorités les surveillent, limitent leurs débordements, mais ne peuvent en réalité les interdire.
Sans existence légale au XIXème siècle, sauf quand elles adoptent la forme d’une société de secours mutuels, les associations de compagnons n’ont donc pas laissé beaucoup d’archives pour les généalogistes. Lorsqu’elles deviendront des associations régies par la loi de 1901, il y en aura un peu plus pour eux, mais cela ne remonte qu’à un siècle seulement.